Analyse historique du Coran Le Coran à l’époque du prophète | du premier Calife (Abou Bakr) | du 3ème Calife (’Omar) Abstraction faite de son contenu, le Coran est un livre qui remonte au 7 ème siècle. L’étude de l’origine de ce livre implique nécessairement une analyse historique des conditions dans lesquelles il a été conservé et transmis jusqu’à nos jours, afin d’évaluer son degré d’authenticité .Voici l’historique du texte Coranique sur lequel s’accordent les différentes sources de traditions islamiques, toutes tendances confondues.
La révélation du Coran n’a pas eu lieu d’un coup et s’est écoulée sur 23 années par fragment. Par quel procédé le Prophète () mémorisait-il les Textes ? Par la mémoire : " N’agite pas ta langue dans ta hâte de réciter le Coran ; Ibn Abbas a dit "une fois que le Messager de Dieu () recevait la révélation, il éprouvait une certaine peine et on constatait ce fait en le voyant remuer ses lèvres et sa langue dès le début pour ne pas l’oublier ". Dès qu’il recevait une révélation, il la mémorisait, d’abord, en présence de l’ange Jibrîl (Gabriel), puis il en faisait, tout de suite, part aux compagnons dont beaucoup se penchaient sur sa mémorisation. D’autant plus qu’il faisait appel à des scribes (29 compagnons s’était relayés sur cette tâche) pour leur dicter la nouvelle révélation. Il leur demandait, enfin, de lire ce qu’ils avaient noté, afin de corriger les fautes éventuelles de ces copistes.
A la mort du Prophète (), le Coran était compilé en une oeuvre, écrit en totalité sur des supports divers et épars (pierre, feuille de palmier, cuivre, os de bête mort, peau séché). Les textes étant structurés de manière anachronique, il était plus pratique de classer les versets par support distinct afin de s’y retrouver beaucoup plus facilement. Le Prophète () lui-même n’a pas utilisé cette méthode d’archivage (non parce qu’il n’y avait pas pensé) parce qu’il n’en a pas eu le temps. En effet, le moment qui s’est écoulé entre la dernière révélation et la mort du Prophète () était extrêmement court.
La mort de nombreux compagnons connaissant le Coran par coeur lors des "Houroûb ar-ridda" (batailles de l’anathème) qui avait éclaté dès le début du règne du calife Abou Bakr a poussé ’Omar à proposer au Calife de rassembler le Coran en un Livre qui servira de "référence", afin d’éviter sa disparition (alors même que Dieu a promis que le Livre sera éternel !). Le Calife confia donc la tâche à un jeune compagnon Zayd ibn thâbit qui était, à la fois, l’un des scribes et l’un de ceux qui avaient mémorisé le Coran en entier. Il lui fixa également la méthode de travail suivante :
Un an plus tard, environ, Zayd remis le fruit de son travail au Calife. Une copie assemblée sur des feuillets va être gardée par les califes successifs (Abou Bakr, puis ’Omar). A la mort de ce dernier, en 643 / 23 H. (12 ans après la mort du Prophète (), le calife qui allait succéder n’étant pas encore choisi, ’Omar demanda que la copie soit remise à sa fille et veuve du Prophète () Hafça .
Au début de son califa, le territoire musulman s’étend déjà jusque sur l’Afrique du Nord et sur l’Asie. Les convertis de chaque région ont appris des passages du Coran auprès du ou des çahaba (compagnons du prophète Muhammad ) installés chez eux. Or, il existe des variantes de prononciations entre les lectures des différents çahaba, car la lecture du Coran leur a été ainsi enseignée par le Prophète () lui même. Un an après le début du califat d’Othmâne, à l’occasion de la rencontre entre deux détachements militaires, l’un originaire de l’Irak et l’autre de Syrie, une grande divergence entre eux, au sujet de ces variantes de prononciation, surgit. Chaque clan, étant sûr de sa source, pensait que l’autre était dans l’erreur. Dès que ’Othmâne eu connaissance de la nouvelle, il décida de charger une commission de quatre membres, présidée par Zayd ibn Thâbit, de reproduire plusieurs exemplaires de la copie gardée jusque là par Hafsa en y intégrant les différentes variantes de lecture. Chaque exemplaire fût envoyé à une province, accompagné d’un enseignant, parmi les çahaba, connaissant le Coran par coeur. Ceci fait, et afin d’éviter toute éventualité de divergence ou de confusion ultérieure, il ordonna à tout les détenteurs de copies personnelles (complètes ou partielles) du Coran de les détruire.
L’analyse suivante met en lumière le caractère radicalement différent tant au niveau du contexte, de l’objectif que des mesures pratiques mises en oeuvre par les Califes :
L’orthographe des copies du Coran faites par la commission présidée par Zeyd ibnou Thabit à la demande du Calife Othmane, ne présentait, rappelons le, aucun signe diacritique ni symbole de voyelles. Dès le premier siècle de l’hégire (7ème siècle de l’ère chrétienne), avec l’expansion de l’islam et les conversions successives de peuples non arabes, le besoin de faciliter l’accès au Coran en améliorant son orthographe s’est fait sentir. Bien que les règles d’écriture n’avaient subi aucun changement (jusqu’à nos jours) des signes diacritiques (points distinguant des lettres) et des symboles de voyelles ont été introduits. Cette amélioration a été faite par étapes successives. Malgré l’intérêt et la nécessité de cette oeuvre elle ne s’est pas faite sans hésitation. Car des savants débattirent jusqu’au du 4ème sièclede l’Hégire (9ème siècle de l’ère chrétienne) au sujet de sa légalité. Certains y voyaient une forme d’hérésie (Bid’a) ! Avec le temps, cette crainte de "déformer" le Coran par l’introduction des signes diacritiques fût dépassée par une autre crainte que des gens finissent par réciter le Coran d’une manière erronée faute de signes. L’amélioration du texte écrit va continuer, avec le temps, par l’introduction de signes marquants la fin des versets, puis, leur numérotation, les titres des Sourates, le découpage du Coran en parties (Qui permet de fixer un programme de lecture quotidienne selon les convenances de chacun) Il est à remarquer que toutes ces améliorations avaient connu, au début, le rejet de certains savants, puis leur utilité d’une part et l’absence de risque par rapport au texte coranique d’autre part les ont rendu unanimement admises. Le Coran à l’époque du prophète | du premier Calife (Abou Bakr) | du 3ème Calife (’Omar) |
L’histoire des Hadîths du prophète (bsdl) Les premiers transmetteurs de Hadîths [les çahâba] [les tâbi’în]
Ceux qui ont compilé, codifié et transmis les paroles, les actes et les autres incidents dans la vie du prophète Mohammed () connus comme les Narrateurs des traditions, furent les compagnons du Prophète () lui-même, leurs fils et leurs descendants qui vécurent jusqu’au quatrième siècle de l’hégire. Une fois que tous ces récits furent consignés par écrit, on procéda aussi à la rédaction de la biographie de tous les narrateurs ou autres personnes qui ont eu quelque lien avec la transmission de ces Traditions du Prophète (). Toute cette compilation encyclopédique - environ 100 000 esquisses biographiques- est connue sous le nom de : « Asmâ-Ur-Rijâl ». Le Docteur A. Springer, le célèbre savant allemand qui fût intimement lié aux activités littéraires de la société asiatique du Bengale jusqu’à 1854, et, qui publia, entre autres, « al-Maghâzi » d’al-Wâqidî, et « Al-Içâbah-fî-Tamyîz-is-Sahâbah », un recueil des compagnons du Prophète () d’al-Hâfidh Ibn Hajar, souligne dans son introduction de « Al-Içâbah », l’exploit sans précédent dans la domaine de l’historiographie chez les musulmans. Il a écrit : « La gloire de la littérature chez les musulmans réside dans sa biographie littéraire. Il n’existe aucun peuple, qui, comme eux, a pendant douze siècles rédigé les récits de la vie de chaque homme de lettres. Si on faisait un recueil des récits biographiques des Musulmans, nous aurions probablement les biographies d’un demi millions d’hommes qui se sont distingués dans leurs domaines respectifs ; aussi verra-t-on qu’il n’y aurait pas une seule décennie, de leur histoire, ni un endroit important qui n’y trouverait pas sa place ». Le Prophète () accompli son dernier pélerinage- le Pèlerinage d’Adieu- en compagnie de plus de 100 000 compagnons. L’histoire a enregistré les biographies d’environ 11 000 de ces compagnons qui ont transmis quelques hadîths aux autres. Le fait d’avoir transmis un hadîth leur a valu une mention dans l’histoire écrite. Le Saint Prophète () quitta ce monde en l’an 11(A.H)/ 632 (A.C) alors que les vétérans parmi les compagnons vécurent jusque l’an 40 (A.H) / 660 (A.C). A cette époque il se trouvait encore parmi eux grand nombre de jeunes compagnons. Vers la fin du premier siècle A.H (Après l’Hégire), cependant, presque tous avaient quitté ce bas-monde. Voici les noms de ceux qui furent les derniers à rendre l’âme en différents endroits du monde islamique.
Anas ibn Mâlik qui fut le dernier des compagnons à être rappelé vers le Créateur, était le serviteur personnel du Prophète () pendant dix ans à Médine. La période des successeurs des compagnons- connus sous le nom de Tâbi’în, commença en fait depuis l’émigration du Prophète () Ils étaient les personnes qui avaient vu le Prophète et ont conversé avec quelques compagnons, mais non pas avec le Prophète () lui-même. Beaucoup d’entre eux étaient déjà nés quand le Prophète () était encore en vie ; Mais, étant trop jeune ou loin de Médine, ils n’ont pas partagé la compagnie du Prophète () Abdurrahman ibnou-l Hârith naquit en 3 A.H / 624 A.C ; Qais ibn Abî Hâzim en 4 A.H / 625 A.C et Sa’îd ibn Mus’ab en 5 A.H / 626 A.C. Plusieurs autres, comme eux, sont considérés comme les disciples des compagnons. Ils s’étaient dispersés à travers les territoires, alors que les frontières islamiques s’élargissaient. Ils s’étaient installés dans les coins les plus reculés, enseignant et prêchant la religion islamique et les pratiques du Prophète (). Ils étaient très nombreux, car à Médine seulement, il y en avait 139 qui ont appris aux pieds des vétérans compagnons du Prophète () , et 129 de plus qui ont appris les traditions de plusieurs compagnons autres que les vétérans, alors que 87 ont glané des informations sur le Prophète () d’un ou deux de ses compagnons seulement. Il y avait donc, 335 de ces Tâbi’ine à Médine seulement, d’après un récit de Ibn Sa’d. Tous les autres se trouvaient dispersés à la Mecque, à Taif, à Basra, à Kufa, à Damas, au Yémen et en Egypte, propageant et disséminant la parole d’Allah et celle de son Prophète () . Si nous supposons que chaque compagnon ait transmis à ses disciples, au moins, quelques hadîth, qui furent tous classifiés et compilés plus tard, que d’innombrables récits avaient du être notés en ce temps là ! Cependant, le nombre de traditions transmises par quelques uns des compagnons du Prophète () , que vous trouverez dans le tableau ci-dessous, vous donnera une idée plus exacte du grand nombre de ces récits.
Ces nobles compagnons vécurent assez longtemps après la mort du Prophète (), pour propager toute leur science à un grand nombre de personnes. C’était l’époque où la connaissance des Traditions du Prophète () jouissait de la plus haute estime et du patronage de la société, garantissant une position honorable dans les cercles religieux aussi bien que mondains. Des milliers de compagnons se conformaient ainsi aux paroles de leur Maître bien-aimé qui dit : « Propagez tout ce que vous entendez de moi », et « Apprenez à ceux qui ne sont pas présents tout ce que vous entendez de moi et ce que vous me voyez faire » Ils considéraient cela comme un devoir et s’employaient à transmettre d’instruire leurs progénitures, amis et connaissances dur les enseignements du Prophète (). Avant que cette génération eût disparu, cette ardente soif de connaissance et cette sollicitude qu’elle avait éveillée amenèrent dans son sillage d’étudiants et de savants débordant de zèle et d’enthousiasme, avides de préserver ce précieux trésor que leurs prédécesseurs leur avaient légué.
La méthode d’enseignement, à cette époque, consistait à apprendre par coeur chaque mot et à le répéter devant l’enseignant, qui à son tour, devait s’assurer que l’élève a bien su avant que celui-ci puisse se permettre d’enseigner aux autres. Le Prophète (), tout en insistant sur la propagation de ses paroles et ses actes, a également prévenu : « Celui qui, à dessein, déforme mes enseignements ou propage des faussetés est condamné à la perdition » On rapporte que certains des éminents compagnons et savants érudits, tremblaient de tout leur corps de crainte de commettre une faute en récitant un hadîth et encourent, de ce fait, la colère éternelle de Dieu. Abdallâh ibn Mas’ûd était si prudent qu’une fois, lorsqu’il rapportait quelque chose à propos du Prophète (), sa figure devint pâle comme la mort et il s’empressait d’ajouter : « Le Prophète () l’avait dit ainsi ou dans ce sens. » Une mémoire solide était pour les Arabes un don de Dieu. Ils avaient l’habitude de retenir des centaines de vers chantant les éloges de leurs tribus, leurs ancêtres et même leurs chevaux de bonne souche. Comme toute autre faculté de l’homme une mémoire tenace se développe par un usage constant. Les compagnons et leurs successeurs, qui étaient avides de retenir le plus petit détail se rapportant au Prophète (), avaient développé cette faculté au plus haut degré de perfection. Ils avaient l’habitude d’apprendre par coeur chaque parole, chaque action, chaque événement de la vie du Prophète () avec le même soin méticuleux par lequel les musulmans, de nos jours, apprennent le Coran. Chaque Narrateur pouvait répéter, mot par mot, des dizaines de milliers de traditions. Quoiqu’ils les rédigeaient parfois par écrit, ils ne pouvaient prétendre mériter le respect des autres, aussi longtemps qu’ils ne les récitaient pas de mémoire. D’ailleurs, le recours aux notes était considéré comme le témoignage d’une mémoire défaillante et pourrait discréditer le savant, on ne réservait ordinairement de telles annotations que pour son usage personnel. Les raisons sont multiples pour expliquer l’hésitation des compagnons à consigner en écrit les traditions du Prophète () au début même de sa mission. 2.1. Première raison. Le Prophète (), aux premiers jours de sa mission, avait défendu qu’on écrive quoique ce soit sauf la parole sacrée d’Allah. On rapporte que le Prophète () avait dit à ses compagnons : « N’écrivez rien qui vient de moi sauf le Coran » Cet ordre était destiné à l’homme ordinaire pour éviter que les révélations se confondent avec les traditions. Mais plus tard, lorsque la révélation était sur le point de cesser et le peuple eut appris à distinguer entre les deux, le Prophète () permis aux compagnons d’écrire ce qu’ils entendaient de lui. Il y avait cependant des compagnons qui, par excès de prudence, s’abstenaient toujours d’écrire, fût- ce une seule tradition, de crainte de commettre une faute et encourir ainsi le déplaisir du Prophète () 2.2. Deuxième raison. Les Arabes dédaignaient d’écrire tout ce qui devaient être appris par coeur. Quelques-uns des compagnons étaient d’avis que, du moment que les traditions du Prophète () auraient été rédigées en écrit, les gens abandonneraient la pratique de les apprendre par coeur. Selon eux, l’habitude d’écrire rendait les gens indolents, car à tout moment ils ne feraient que consulter leurs notes. Cette crainte n’était pas entièrement injustifiée, puisque nous voyons qu’à mesure que les annotations des traditions augmentaient, les érudits en abandonnaient graduellement la mémorisation. Avec le temps, leur transcription écrite ne constitua cependant nullement un obstacle à l’érudition. 2.3. Troisième raison. Les Arabes n’aiment pas écrire quelque chose et puis l’apprendre par coeur. Selon eux, c’est signe d’une mémoire courte. Pour cette raison, s’ils devaient écrire quelque chose, ils essayaient toujours de le dissimuler. Les premiers érudits étaient d’avis que, tout ce qui est gravé dans le coeur était plus en sécurité et plus durable, que ce qui est écrit. Ils pensaient qu’un texte écrit était toujours exposé aux risques d’interpolation et de destruction tandis que ce qui est renfermé dans la mémoire de l’homme se trouve hors de la portée de tout intrus. Toutefois, il est inexact d’affirmer que les récits ayant trait aux enseignements, à la vie et à la conduite du Prophète () furent transmis uniquement par voie orale pendant les 90 ou 100 premières années, comme les orientalistes le prétendent. Cette idée erronée est attribuée au fait que « Al-Mouwatta » de l’Imam Mâlik ( mort en 179 A.H / 795 A.C ) est généralement considéré comme la première compilation de hadîth.
Plusieurs récits se rapportant aux paroles du Prophète (), aux événements et incidents le concernant, avaient été compilés de son vivant même. Lors de la prise pacifique de la Mecque, le saint Prophète () avait fait un sermon. Al-Boukhâri et d’autres auteurs des traditions ont rapporté qu’à la requête d’un compagnon venant du Yémen, du nom d’Abî Shâh, le Prophète () avait fait rédiger le sermon en écrit. On rapporte qu’Aboû Houreira avait dit une fois que personne, sauf Abdallah ibn Al As, ne possédait un plus grand recueil de hadîth que lui. La raison était que Abdallâh ibn Al As écrivait tout ce qu’il entendait du Prophète (), alors qu’Aboû Houreira ne le faisait pas. Un autre hadîth rapporté dans « As-Sunan » d’Aboû-Daoûd et dans « al-Musnad » d’Ibn Hanbal dit que Abdallâh ibn Amr avait, en une occasion, cessé d’écrire tout ce qu’on entendait du Prophète () parce que celui-ci pouvait être d’humeur différente en différentes occasions : heureux ou mécontent, et que ses remarques en de telles occasions pouvaient ne pas s’appliquer à ceux qui n’étaient pas présents. Plus tard, Abdallâh ibn Amr souleva la question avec le Prophète (), qui, indiquant ses lèvres, répondit : « Vous pouvez écrire. Tout ce qui sort de ces lèvres est juste et correct. » L’honneur d’avoir transmis le plus grand nombre de tradition parmi les compagnons revient à Aboû Houreira. Un de ses disciples Hammâm ibn Munnabih compila un recueil de traditions apprises de son maître. Ce recueil a pour titre « Sahîfat Hammâm » et fut incorporé dans le second volume du « al-Musnad » d’Ibn Hanbal (p. 312-318). Hammâm naquit en 50 A.H / 670 A.C et mourut en 124 A.H / 741 A.C. De descendance Qureishite, il fut un brillant et diligent étudiant, et des soins minutieux qu’il prenait pour réunir tout ce qui concerne le Prophète (), ses collègues peuvent en témoigner. On raconte qu’il approcha chaque Ançarite de Médine et lui demanda de lui faire le récit de tout événement ou incident qu’il connaissait ayant trait au Prophète (). Ainsi, il put mettre en écrit des récits complets avec les noms de leurs narrateurs après les avoir soigneusement vérifiés. C’était l’époque où un grand nombre des compagnons était encore en vie, et il profita pleinement de leur savoir. Aussi, il avait lui-même beaucoup de disciples à qui il dicta les traditions. L’impression générale - d’ailleurs erronée- qui existe chez beaucoup de gens pas très entendus à cette science, surtout parmi les orientalistes, est que la compilation des ouvrages de hadîths a commencé au cours du deuxième siècle de l’ère Islamique puisque concluent-ils, ce sont les Tâbi’ine (les fils et successeurs des compagnons) qui ont initié la littérature du hadîth et les compagnons étaient encore en vie vers la fin du premier siècle. Cela est loin de la vérité. Les Tâbi’ine, s’ils n’avaient pas eu l’occasion d’être en compagnie du Prophète (), avaient cependant conversé et étaient intimement liés aux compagnons du Prophète (). Comme nous l’avons déjà dit, l’expression « Tâbi’ine » s’applique également à ceux qui naquirent durant l’existence du Prophète () mais étaient soit trop jeunes, soit trop loin pour être en la compagnie du Prophète (), et à ceux qui virent le jour juste après la mort du Prophète (). Ainsi toute personne née aux environs de l’an 11 A.H, quand le Prophète () quitta ce bas-monde, fait partis des Tâbi’ine. L’ère des Tâbi’ine, donc, commence immédiatement après le départ du Prophète () de ce monde en l’an 11 A.H, ou même avant, mais non un siècle après. C’est aussi faux de dire que les Tâbi’ine ont commencé la compilation du hadîth un siècle après que tous les compagnons eurent quitté ce monde. La période s’étalant de la mort du Prophète () jusqu’à la fin du premier siècle de l’Hégire est certes contiguë à la période des Tâbi’ine, et personne ne pourra prétendre à cet honneur après que tous les compagnons du Prophète () eurent quitté ce monde. Ce serait vraiment une grave erreur de dire que la compilation du hadîth commença un siècle après la mort du saint Prophète ()
C’est sous le règne du calife Omar ibn Abdel’Aziz que le hadîth va connaître, pour la première fois, un travail d’assemblage relativement comparable à l’oeuvre dont le Coran avait été l’objet sous le califat d’Aboû-Bakr. Le Calife Omar ibn Abdel’Aziz qui mourut en l’an 101 A.H / 719 A.C, fut un brillant érudit et avait été le gouverneur de Médine avant d’être nommé Calife en 99 A.H / 717 A.C. Aussitôt après son accession au Califat, il envoyât un édit à al-Qâdhî Aboû-Bakr ibn Muhammad ibn Amr ibn Hazm Al-Ansari (m.117 A.H / 735 A.C) disant : « Commencez à compiler les traditions du Prophète () car je crains qu’elles ne se perdent graduellement ». L’ordre de Omar ibn Abdel’Azîz , mentionnée dans la « Tabaqât » d’al-Boukhâri, « Al Mouwatta » de l’Imam Malik et le « al-Musnad » de Dârimî, fut exécuté par al-Qâdhî Aboû-Bakr qui réunit tous les récits qu’il pouvait trouver et les soumit au Calife. Des exemplaires de cet ouvrage furent envoyés dans toutes les capitales à travers l’empire islamique. Al-Qâdhî Aboû Bakr fut spécialement choisi pour cette oeuvre car il était le Qâdhî (juge)à Médine. Une autre raison de plus pour le choix de al-Qâdhî Aboû-Bakr était le fait que la soeur de sa mère, ’Amra, était la disciple de Aïcha, l’épouse du Prophète (). Donc, tout ce que ’Amra avait appris de son vénérable guide, avait été consigné en écrit par al-Qâdhî Aboû-Bakr. C’est pour cette raison que le Calife Omar ibn Abd Al Aziz lui avait demandé de porter une attention particulière à la classification des traditions transmises par Aïcha. Cette oeuvre marque la première tentative officielle d’assemblage des hadîths qui serait relativement comparable à l’assemblage du Coran sous le règne du calife Aboû Bakr. Elle fut précédée par une tentative du 2ème calife Omar Ibnou-l Khattâb, qui lui aussi avait envisagé de faire rédiger les traditions du Prophète (), mais finalement, il revînt sur sa décision craignant que cela puisse être considéré comme une innovation. La période durant laquelle les traditions du Prophète () et les données historiques s’y référant, furent réunies et compilées, peut être divisée en trois parties. § La 1ère comprend la période durant laquelle les traditions furent notées par les compagnons ayant directement accès à ces informations ou étant eux-mêmes témoins de ce qu’ils écrivaient. Cette période s’étend plus ou moins jusque la fin du premier siècle de l’Hégire § La 2ème comprend la période pendant laquelle les gens se mirent à rédiger les traditions en se renseignant auprès de ces compagnons qui avaient été témoins et qui avaient eu directement ces informations. Elle s’étend jusqu’à 150 A.H. § Finalement la 3ème partie est la période où, la rédaction du hadîth qui existe aujourd’hui, fut entrepris. Cette période s’étend jusqu’aux premières décades du 4ème siècle Ainsi la première phase coïncide avec l’époque des compagnons et les vieux Tâbi’ine, la deuxième avec celle des jeunes Tâbi’ine et la troisième comprend cette période où les érudits tels que Muhammad ibn Ismaïl Al-Boukhâri, Moslim ibn Hajjâj al-Qushairi, Muhammad ibn Îssa-t-Tirmidhî et Ahmad ibn Muhammad ibn Hanbal rédigeaient leurs oeuvres après avoir réuni tout le matériel disponible. Les compilations du hadîth de la deuxième phase existent encore et constituent le matériel le plus précieux, le plus authentique et le plus digne de foi que l’histoire ait jamais possédé. Aucune autre documentation historique sur des événements du passé existant aujourd’hui n’a été si méthodiquement et si soigneusement rédigé que le hadîth. Le grand érudit feu Shibli, qui fut aussi un historien de grande réputation, disait que presque chaque peuple avait eu à consigner ses traditions orales en écrit très souvent des siècles après que ces événements eurent lieu pour le besoin de son histoire. Ce qu’ils faisaient d’ordinaire dans presque chaque cas, c’était de noter tout bavardage insignifiant sans se soucier de la vérité ou de la source de ces histoires. Ensuite les historiens procédaient au tri et au choix des événements probables en éliminant ceux qu’ils jugeaient inauthentique. Voilà comment l’histoire de chaque peuple a été écrite. Les anciennes annales des peuples européens n’échappent pas à cette règle. Le critère établi par les musulmans pour s’assurer de l’authenticité historique des faits était beaucoup plus sévère. Le narrateur initial dans une chaîne de narrateurs devait obligatoirement être un témoin oculaire de l’événement qu’il transmettait. Le caractère et les antécédents de chaque narrateur de la chaîne devraient être aussi examiné à la loupe. Ainsi les savants devaient être satisfaits du haut niveau de la conduite morale, de l’intelligence et de la confiance qu’inspire chaque narrateur de la chaîne avant d’accepter une tradition comme authentique. C’était sans doute une tâche herculéenne, que de chercher tous ces détails sur chacun des centaines des milliers de personnes qui formèrent la chaîne dans la transmission des hadîths. Les savants, cependant, se dévouèrent corps et âme à toute personne ayant quelque lien avec le narrateur d’un hadîth fut-il le narrateur d’un hadîth pour prendre tous les renseignements nécessaires, et s’assurer de la solidité de la chaîne dans la transmission des hadîths. Et c’est ainsi que pris naissance la science dite : « Asma Ur Rijal » ou le dictionnaire des biographies qui fait la lumière sur au moins 100 000 personnes ayant un lien quelconque avec la transmission des traditions du Prophète (). Des règles furent aussi formulées pour passer au crible et évaluer les récits transmis par les narrateurs. Les savants se montrèrent si francs et honnêtes dans leurs décisions et verdicts que leur efforts et leurs travaux constituent un glorieux chapitre de l’histoire islamique. Parmi, les narrateurs de traditions, il se trouvait aussi des rois et des puissants potentats qui régnaient d’une main de fer, mais les savants et les érudits en matière de hadîth, imbus de la foi et, ignorant la frayeur, leur accordèrent à chacun la place et le mérite qui leur étaient dus en vertu de leur caractère personnel, leur piété, leur intégrité et autres qualités. L’imâm Wakî’, un compilateur des traditions, dont le père était à la tête du trésor publique, n’acceptait les transmissions de son père que quand il avait trouvé un narrateur digne de foi pour les étayer ; sinon, il les rejetait. Mou’âdh ibn Mou’âdh rendit un jour visite à Mass’oûdî, un autre savant en l’an 154 A.H / 770 A.C. Alors que celui-ci rapportait des hadîth, il consultait ses notes écrites. Là-dessus, Mou’âdh n’eut plus confiance en lui, en raison de sa faible mémoire, et sans hésitation, il déclara que Mass’oûdî n’était pas digne de confiance. En une autre occasion, on offrit à Mou’âdh ibn Mou’âdh 10 000 dinars en or simplement pour s’abstenir de donner son témoignage au sujet de la probité d’une certaine personne. Il rejeta avec dédain cette offre en disant : « Je ne saurai jamais cacher la vérité » Existe-t-il un tel exemple de candeur et de probité dans les annales d’un autre peuple ? Aussi étrange que cela puisse paraître, toute cette accumulation de matériel d’envergure encyclopédique, comprenant de récits jugés corrects ou incorrects, authentiques ou faux par les savants qui acceptent les uns et rejettent les autres, tout cela est à notre disposition, même aujourd’hui, pour être triés et évalués selon les principes et les règles établies pour leur vérification.
5.1. Du IIème - Vème siècle de l’hégire / VIIIè - XIè A.C Le premier assemblage officiel s’est fait, rappelons-le, sous la demande de Omar ibn Abdelaziz (8ème souverain omeyyade, c’est- à- dire depuis la mort d’Ali ). Son règne ne dura que deux ans ( 99 -101 de l’hégire / 717-719 A.C). C’est un tabi’î, petit-fils du calife Omar ; Il est qualifié de « cinquième calife guidé » pour la piété et la justice qui marqua sa politique. Craignant la disparition ou l’oubli du hadîth, il demanda au gouverneur de Médine, ville du Prophète () et donc lieu de sa tradition, d’inviter les savants à collecter les hadîths. C’est az-Zouhrî (mort en 124 / 741), un savant érudit de Médine, qui se chargea de la tâche et compila le premier recueil officiel, dont on n’a de traces pour le moment que les témoignages des historiens et traditionnistes des premiers siècles de l’islam. Les recueils se sont ensuite succédés. J’ai pu recenser : Une quinzaine qui remonte au deuxième siècle de l’hégire / 8è A.C dont cinq environ sont publiés. Le plus célèbre est le Mouatta de Mâlik mort en 179 / 795 (cf. tableau ci-joint). Une trentaine de recueils, environ, remonte au troisième siècle de l’hégire / 9è A.C , dont au moins la moitié est publiée. Parmi eux figurent les six références célèbres à savoir les deux « çahîh » d’al- Boukhâri et de Moslim et les quatre appelés « Sounan » d’Aboû Daoûd, at-Tirmidhi, an-Nassâi et ibn Mâjah (cf. tableau). Environ une autre quinzaine, remonte au quatrième siècle / 10è A.C, Et quelques recueils remontent, enfin, au cinquième siècle de l’hégire / 11è A.C La seule caractéristique commune à l’ensemble des recueils de cette période de l’histoire du hadîth est l’existence de la chaîne des transmetteurs. Même les compilateurs du Ve siècle, qui sont relativement éloignés de l’époque du Prophète (), citaient pour chaque hadîth de leurs recueils tous les rapporteurs qui le font remonter jusqu’au Prophète (). 5.2. Les collections de recueils (à partir du VIè siècle /XIIè A.C ) A partir du VIème siècle, c’est un travail de grandes collections de hadîths qui va être entamé. Les spécialistes de hadîths vont se pencher sur les recueils précédents, comptant d’un à plusieurs milliers de hadîths. Leur objectif est de réunir plusieurs de ces recueils dans un même ouvrage, en reclassant leurs hadîths par thème ou, parfois, par ordre alphabétique tout en évitant les répétitions des mêmes hadîths qui pourraient avoir lieu dans ces recueils de bases. J’ai pu relever une douzaine de titres de collections publiées remontant à l’époque qui va du VIème au XIème siècle de l’hégire / 12ème - 17ème A.C La plus importante d’entre elle est le livre de Alâ-ouddine al Hindî (mort en 975 / 1567) intitulé « Kanz-oul ’Ommâl » et rassemblant 46 624 hadîths. Sa matière est puisée dans 92 recueils de base. Beaucoup de ces recueils sont encore manuscrits ou sont probablement perdus. Ce sont les auteurs de ces collections qui ont pu sauvegarder leur contenu. Les publications successives de manuscrits anciens ne font que confirmer le travail fait par ces auteurs tardifs. Ce qui caractérise ces grandes collections de recueils c’est que leurs auteurs se sont contentés de noter les énoncés des hadîths (matn) sans mentionner leurs chaînes de transmetteurs. Ces chaînes étant toujours vérifiables dans les recueils de bases d’avant le Vème siècle. Un autre aspect marquant les ouvrages de hadîths de cette époque, c’est l’aspect critique. En effet, les spécialistes de cette période se sont penchés sur ces recueils de bases pour refaire le tri de leurs hadîths. Aidés par les répertoires biographiques et critiques des transmetteurs, établis dès les premiers siècles, ils mettaient leurs chaînes à l’examen, collectionnaient les versions et classaient les hadîths selon leur degré de fiabilité. Ce travail continue à se faire jusqu’à nos jours, puisque nous savons pertinemment que seul al-Boukhâri et Moslim se sont fixés comme règle de ne citer dans leurs recueils qu’un hadîth « çahîh », c’est-à-dire authentique. La plupart des autres compilateurs de recueils se sont posés seulement comme condition de ne pas citer de hadîth inventé. Leur but était de rassembler les informations attribuées au Prophète (). En citant les chaînes et les sources de leurs informations, ils laissaient la porte ouverte à tout examen ou vérification ultérieure. TABLEAU DES PRINCIPAUX PREMIERS RECUEILS DE HADÎTH
N.B. Les quatre sounan contiennent des hadîths çahih et d’autres non çahih (faibles entre autres). Un grand spécialiste contemporain dans la critique des hadîths (Naçreddine al-Albâni) les a dernièrement réédités en séparant les hadîths çahih et bon, d’une part, des hadîths faibles d’autre part. Les premiers transmetteurs de Hâdiths [les çahâba] [les tâbi’în] |